Les petites choses

J'ai lu un petit (comprenez accessible et court mais tout à fait efficace) livre paru aux éditions Jouvence sur le sujet. Il est composé de deux textes : Comment la télé et les jeux vidéo apprennent aux enfants à tuer suivi de La machine à décérébrer.

 

Comment la télévision et les jeux vidéo apprennent aux enfants à tuer est un texte de David Grossman. Cet ancien militaire américain soutient une thèse qui consiste à dire que les images violentes vues à la télé et que les jeux vidéo encourageant à tirer sur un adversaire banalisent la violence et conditionnent les cerveaux des utilisateurs. Cela les amènera à répondre par des gestes violents, par exemple en cas de grand stress, alors que notre nature n'est pas de tuer notre prochain. 

Ses observations sont basées sur ses vingt années de carrière dans l'armée. Des études montrent que pendant la guerre de 39-45, les soldats morts au combat n'avaient pas souvent tiré pour se défendre, ou alors, ils avaient tiré en l'air. L'armée a mis en place un processus de combat visant à rendre ses troupes plus "performantes"... triste programme qui a très bien fonctionné. Il développe quelques-unes des techniques employées par l'armée : l'uniforme pour perdre sa personnalité, les cris des supérieurs, les rythmes durs et décalés pour oublier ses repères, etc. Pour lui, les images télévisuelles qui mettent en scène des crimes, des bagarres (et il y en a, quand on prend la peine d'analyser ce qu'on voit sur le petit écran, même dans les dessins animés !) ou des dialogues violents ont le même effet sur notre progéniture car les enfants et les ados "gobent" et enregistrent cela comme si c'était la réalité. Cela banalise ces pratiques, cela enlève aux scènes vues leur gravité. Cela conduit à ces faits divers où parfois un jeune sans histoire se met à tirer sur ses copains... Son parallèle est dans ce sens assez intéressant, bien que volontairement exagéré. Il est très critique face à la société et à la vente libre d'armes aux Etats-Unis...

Sa conclusion donne le ton : "La violence n'est pas un jeu ; la violence n'est pas amusante ; la violence n'est pas une forme d'entraînement sportif ; la violence tue." Tuer n'est pas un geste naturel, il s'apprend.

Ceux qui veulent approfondir peuvent aller lire cet autre texte d'après les études de David Grossman, sur les méfaits de la violence médiatique.

La machine à décérébrer de René Blind et Michaël Pool est d'un autre genre. Les deux auteurs s'attachent à observer les rapports de l'enfant face à la "fée cathodique" qui est devant eux en observant les pratiques de cette mangeuse d'énergie, de créativité et de temps. D'après eux, la télévision (les programmes et les messages publicitaires) banalise la violence, déforme la réalité du monde qui nous entoure et pousse à la surconsommation. A l'heure du développement durable, les images télévisuelles sont un vrai fléau puisqu'elles incitent à consommer de plus belle. 

Ce que je trouve intéressant dans leur analyse, c'est que les auteurs montrent pourquoi la télévision (mais cela fonctionne aussi avec n'importe quel écran, même ceux dits interactifs) nous fait "scotcher", et que finalement, le plus embêtant, ce ne sont peut-être pas ses effets négatifs, mais plutôt ce qu'elle nous empêche de faire quand on est planté devant (de la suppression des temps de jeux aux problèmes de santé publique tels que l'obésité). Le texte est court mais fait réfléchir sur la part de responsabilité que chacun a à prendre pour réagir, société, parents, éducateurs, et les auteurs donnent des pistes concrètes pour entamer une consommation plus raisonnée et en tous cas "éclairée".

Actuellement, un enfant de l'école primaire passe 18h par semaine en moyenne devant un écran...

A la maison, la télé fonctionne toujours, mais je fais plus attention au temps passé, au choix des programmes (principalement DVD... on n'a pas la pub et on contrôle plus le côté violent) et à l'effet scotcheur, surtout avec la plus petite de la maison, qui a l'air assez téléphage ! Pourvu que ça dure (et que nous tenions ! C'est que la télévision a parfois des aspects pratiques pour les parents, ne nous en cachons pas !)...

Ce petit livre coûte moins de 5€. Les droits d'auteur sont intégralement reversés à une association.

Note : René Blind et Michaël Pool ont l'habitude de collaborer dans l'écriture d'ouvrages. Ils ont notamment signé ensemble, également aux éditions Jouvence, le livre Mon enfant et la consommation.