Les petites choses

Devant l'école. Crapouillot se balade entre les grands. Petite Soeur essaie d'arracher les fleurs qui poussent devant la porte. Des valises étalées sur le trottoir. Des enfants discutent, pas beaucoup de chahut. Il est tôt. Le contexte ne s'y prête pas. Des parents causent, échangent au sujet des bagages ou du temps. Certains essaient de se rassurer en croyant saisir un brin d'angoisse chez les autres. D'autres plaisantent. Les filles se prennent en photo. Les garçons discutent des jeux emmenés. On attend le car.

Chouinette me tient le bras. Elle a un peu peur. Elle en parle depuis plusieurs jours. "Tu es habituée à partir plusieurs jours, pourtant", je dis. "C'est pas pareil, là. Je serai sans Papa ni toi, et tout le temps avec les mêmes personnes !" Les larmes dans les yeux.

Quelques minutes plus tôt, à la maison, la valise n'était pas finie... Il restait à mettre un peigne, le réveil, la brosse, une serviette, les chaussons et à préparer le pique-nique. Quelques minutes plus tôt, ça n'avançait pas et j'étais énervée. Parce que c'est souvent la même rengaine, les jours d'école. Il manque un truc à ajouter au dernier moment. C'est la course. Parce que depuis de longs jours, ça ne tourne pas très rond à la maison. 

Quelques minutes plus tôt, j'ai dit des mots qu'il vaut mieux ne pas dire à quelqu'un qu'on aime. Des mots blessants pour des oreilles un peu sensibles. J'ai explosé. J'ai pris mon sac de nerfs et je l'ai vidé sur la tête de Chouinette. Comme ça, tout d'un coup. Avec les décibels qui vont avec. Les pleurs aussi.

Juste après, je me suis excusée. J'ai regretté mes paroles. Elles ont dépassé largement ma pensée. Oui, mais elles ont été dites.
 

J'ai une boule dans le ventre.

 Chouinette me tient le bras. Je la sers contre moi. Elle me sourit. "Elle a peur de partir ?" me demande la mère d'une élève qui quitte le cocon pour la première fois. Je réponds que oui, peut-être un peu. Il y a de ça. Avec Chouinette, on se regarde. On sait qu'il y a aussi cet échange verbal qu'on n'arrive pas à digérer ni l'une ni l'autre. Qu'il faudra faire avec pendant les cinq jours qui viendront.

Le car arrive. Crapouillot et Petite Soeur restent près de moi. Chouinette monte, après nous avoir embrassés. "Passe un beau séjour", je lui dis. "On pensera très fort à toi !" Les garçons investissent le fond de l'engin... un classique. Les filles, par groupes de deux, commencent à papoter. Chouinette se retrouve à côté de la fille qui quitte ses parents pour la première fois. Quatre yeux rouges devant nous.

Le car démarre. Je vois la main de Chouinette qui nous dit aurevoir. Crapouillot me prend la main et me dit : "Je ne voulais pas qu'elle parte en voyage, ma grande soeur". Je lui dis que c'est bien pour elle alors qu'on peut être contents. "Ah bon ?", il me dit. Je lui fais oui avec la tête. "D'accord", il dit.
 

 J'ai une boule dans le ventre. Vivement vendredi !