Les petites choses

L'Amoureux est quelque part dans les nuages, de l'autre côté des Pyrénées. 

Après une journée riche en rebondissements (train en retard, avion raté, balade de guichets en guichets, attente interminable sur un banc, bière à plus de 4€, numéro de téléphone de destination oublié, nouveau billet attribué), il est dans les airs, avec sa soeur. La tête dans les étoiles. 
 

Il a préparé ce voyage depuis longtemps. A hésité à nous laisser là pendant que lui irait prendre du bon temps sur les terres andalouses où son frère a élu domicile. A se prendre du temps pour lui. S'est dit que ça ferait trop long, tous ces jours sans les enfants. Nous avons passé des heures à en parler. Il a fini par admettre que ces retrouvailles fraternelles seraient les bienvenues. Parce que ça peut manquer, un frère, après plus de deux ans. Parce que ça peut être chouette de partir se balader sans avoir à s'occuper des petits derrière soi. Parce que ça peut redonner le sourire de rire par pure complicité.

Il a étudié le prix des billets, déterminé les dates, passé des coups de fil au frère et à la soeur pour trouver une synchronisation. Il a parlé de plus en plus des vacances, et elles sont arrivées.

Bien sûr, on a tout fait au dernier moment. Bien sûr, on a perdu des papiers. Bien sûr, on a réussi à se fâcher comme des chiffonniers... et même à bouder.

Liloo nous a rejoints à la gare. Elle voulait faire une surprise à son père. Et voir de plus près sa tante. On a pris un café et l'heure du départ a sonné. 

L'Amoureux m'a regardée droit dans les yeux, et moi j'ai essayé de ne pas pleurer (les moments d'arrivée et de départ sont toujours critiques !). J'ai senti la chaleur de son cou et j'ai fermé les yeux pour m'en imprégner. J'avais une boule dans la gorge quand il m'a serrée contre lui. Je l'ai respiré comme si c'était la dernière fois. Comme toujours quand il part loin de la maison. Et puis j'ai reculé. 

Ils sont montés dans le wagon. Et ont disparu derrière les vitres teintées du TGV. On a deviné leurs signes quand le train est parti. On n'a pas attendu de ne plus le voir. Ils étaient bien, frangin, frangine... et nous aussi, belle-mère, belle-fille.

Ils doivent être arrivés. El Hermano a dû leur faire des grands signes, avec la jovialité qui le caractérise. Ils ont ri de toutes leurs dents, se sont dit des blagues. Se sont embrassés. Ils doivent être bien, tous les trois. Dans la voiture qui les emmène jusqu'à la côte. J'entends d'ici les rires d'el Hermano. Je vois les sourires de la frangine. L'Amoureux a le coeur joyeux.

Le seul bémol, c'est sans doute ce petit sac rempli d'huîtres et de fromage qui doit embaumer la voiture. Mais avouez que si c'est le seul problème, c'est vraiment un détail !