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Les petites choses

Le grand bâtiment

C'est un grand bâtiment dans lequel on entre. Il est très grand, très haut, très sombre, très résonnant, très impressionnant. Dedans, des képis, des robes noires, des téléphones qui sonnent, des machines à café. C'est presque comme un village, avec des allées, des couloirs, qui débouchent sur des halls, d'autres couloirs. Des gens qui attendent, des gens qui se cherchent, des gens qui s'évitent, des gens qui font les cent pas...

Une ruelle dans le bâtiment. Une grosse porte avec une lettre dessus. On s'engouffre. D'autres portes, des listes, des noms. On cherche le sien. On ne le voit pas, on se dit qu'il y a erreur. Comme au bac, pour voir les résultats. On le trouve. On est soulagée. On a la gorge serrée. L'estomac retourné.

Il faut sortir de la ruelle. Retrouver le grand hall. Trouver un siège. Du réconfort quand on n'est pas venu seul. Des fenêtres. Aux fenêtres des grilles. Ce n'est pas la prison. Des arbres dehors. Du vent dans les feuilles. Tiens, dehors, c'est la vie.

La dame en noir qui vient, qui parle, qui interroge, qui tourne les feuilles, qui essaie de rassurer, qui va, qui vient.

Les gens. De tous horizons. Des beaux, des moches. Aucun qui sourit. On peut imaginer ce qu'est leur vie. Il faut s'occuper comme on peut.

On va aux toilettes. Même cette porte-là est lourde. Même cette porte-là est sombre. On ne peut rien soulager. On reviendra plus tard. On sort. Devant le lavabo, cinq collégiennes qui visitent les lieux. Qui demandent si on travaille là. On répond que non. On se lave les mains et on fait fonctionner le séchoir. On se réchauffe.

Attendre, réfléchir, se demander si on a bien fait de dire ça ou ça à la dame en noir, se dire que de toutes façons, c'est le jeu de le dire. Parce que sinon, ça revient à ne pas se défendre. Etre partagé entre ce qui est bien ou mal objectivement mais se battre avec ce qui est de l'ordre émotionnel qui refait surface. Parler avec l'Amoureux. Porter Petite Soeur comme on porterait un doudou. Sentir son petit cou, caresser ses cheveux. Penser à ceux qui ne sont pas là. Que font-ils ?

C'est l'heure. Enfin. Déjà. Une grosse moquette. Un bureau gigantesque. Deux dames derrière. En face, deux autres dames en noir. Moi. Et le père de ma fille. Les dames en noir disent les choses qu'on leur a dit de dire. On peut aussi regarder dehors. Toujours les arbres et le vent qui bouge dans les feuilles. Regarder les dames en face. Essayer de deviner ce qu'elles ont derrière la tête. Commenter en silence les paroles qui tombent. Les entendre. Elles sont près. Elles sont loin.

Sortir du bureau. Retrouver les siens. Sentir un soulagement. Le coeur gros, aussi. Penser objectivement qu'on a fait les bons choix. Ne pas les regretter mais avoir une charge qui pèse. La poitrine serrée. Envie de pleurer. Ne rien dire. Sortir de la ruelle. Sortir du grand hall.

Retrouver le grand air. S'éloigner vite du grand bâtiment noir. La tête est loin devant. Le coeur est au niveau des pieds. Le pas est lourd. L'esprit est vidé de son poids. Une boule dans la gorge.

le 14.11.06 à 00:32 dans La vie est un arc-en-ciel - Lu 1112 fois - Version imprimable
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Commentaires

On sent en lisant qu'effectivement ce n'est pas facile . Courage et j'espere que tout iras bien .

Choupette - 14.11.06 à 08:58 - # - Répondre -

Re:

Oh, une fois qu'on est passé là, le stress retombe... on n'a plus qu'à attendre ! Mais je suis encore tiraillée entre mon point de vue objectif et mes vieux démons qui se battent sur le terrain émtionnel. C'est difficile à expliquer, en fait...

lespetiteschoses - 15.11.06 à 00:43 - # - Répondre -

Tu me tiendras au courant?

Je lis ce billet et ça me fout les boules!

MAGALI - 15.11.06 à 14:20 - # - Répondre -

ça fait du bien de vider son esprit, la boule partira ensuite. Le plus vite possible j'espère. Des bisous à toi!

Tiphaine - 15.11.06 à 23:07 - # - Répondre -

La gorge serrée

Marie, j'ai l'habitude d'avoir la gorge serrée quand je lis tes billets heureux.

Je ne m'attendais pas à ça quand j'ai commencé la lecture de celui-ci, alors courage, et bonne chance.

Fanny - 16.11.06 à 09:59 - # - Répondre -

Re: La gorge serrée

Merci les filles pour vos encouragements ! Je ne vous souhaite pas de le visiter ce bâtiment... c'est pas bon signe ! Pour moi, après quelques jours, ça va un peu mieux. Disons que j'y pense un peu moins.

lespetiteschoses - 17.11.06 à 00:49 - # - Répondre -

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